La stratégie polaire de la France à l'horizon 2030 a été présentée le 5 avril dernier par l'Ambassadeur chargé des pôles et des affaires maritimes.
Véritable feuille de route polaire axée sur le renouveau de la recherche scientifique, elle sera déployée et suivie dans le cadre du Comité interministériel de la Mer qui deviendra le Comité interministériel de la Mer et des Pôles (CIMER-POLES).
Décrite par l'Ambassadeur comme la première dans l'histoire du pays, elle se veut au service de la coopération européenne et internationale aux pôles Nord et Sud, où le pays gère des programmes et des infrastructures de recherche scientifique. La France souhaite en effet réinvestir fortement le champ scientifique en Arctique, menacé par le dérèglement climatique.
Ses principaux engagements sont les suivants :
1. Porter une stratégie polaire globale et d'équilibre
- organiser sur son territoire, en concertation avec les Etats concernés, une conférence internationale sur les pôles au printemps 2023
- proposer le lancement d'une "Décennie des mondes polaires" qui pourrait se dérouler de 2025 à 2035
- favoriser la recherche Continuum Terre/mer, Cryosphère/Océan
- instituer un Comité interministériel pour les pôles
- développer la culture et l'éducation aux pôles
2. Soutenir à l'échelle européenne et internationale une recherche au long cours, innovante et exemplaire
- concevoir un grand projet de recherche au long cours
- privilégier la coopération européenne et internationale
- veuiller à une recherche exemplaire en terme environnemental et d'innovation
3. Un dispositif et des moyens renforcés pour la science dans les mondes polaires
- construire une structure polaire aux missions élargies
- veiller à un rééquilibrage de moyens entre les deux pôles
- disposer de nouveaux moyens à la mer et dans les airs
- rationaliser les missions entre les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et l'Institut polaire français (IPEV)
- se doter d'une fondation française pour les pôles
4. Réinvestir pleinement l'Arctique
- tripler les moyens consacrés à l'Arctique
- renforcer la présence française au Conseil de l'Arctique
- protéger l'environnement, développer durablement
- investir les cercles de réflexion et manifestations internationales
- retrouver un niveau ambitieux de recherche et d'échanges académiques
- disposer de nouvelles structures à terre comme en mer
- valoriser la présence scientifique à Saint-Pierre-et-Miquelon
5. Être les champions de la protection de l'Antarctique
- défendre le système du Traité sur l'Antarctique
- protéger la biodiversité
- soutenir la recherche et rénover nos équipements à terre, en mer comme dans les airs
- toujours mieux connaître l'océan Austral
De nouveaux engagements financiers pour la recherche scientifique
La France, reconnue à l'échelle mondiale pour sa contribution à la recherche polaire, connaît toutefois un sous-financement de la recherche scientifique dans ces régions cruciales pour l'avenir de la planète.
La stratégie vient fixer jusqu'en 2030 ses objectifs géopolitiques et environnementaux pour l'Arctique et l'Antarctique.
"C'est la première fois qu'un pays présente une vision stratégique globale visant les deux pôles et qui s'accompagne d'engagements financiers programmés jusqu'en 2030. [Ceux-ci pourraient atteindre] 300 à 800 millions d'euros dans les huits prochaines années." Olivier Poivre d'Arvor, Ambassadeur aux Pôles et aux affaires maritimes
La programmation de ces investissements relèvera du futur secrétariat interministériel pour les pôles qui va être créé sur le modèle de celui dédié à la mer et concernera de nombreux ministères, dont les affaires étrangères, les armées, la recherche, la transition écologique, l'éducation nationale et les outre-mer.
Jusqu'alors de 30 millions par an, ce budget était bien inférieur comparé à d'autres pays comme l'Allemagne, le Royaume-Uni ou les États-Unis. L'Ambassadeur a toutefois noté que la nouvelle enveloppe reste faible par rapport à d'autres acteurs internationaux.
Les arbitrages restent à faire, notamment concernant le navire qui accompagnera les scientifiques dans leurs prochaines missions polaires. Il est question, soit de construire un brise-glace supplémentaire capable de naviguer dans les deux pôles, soit de rénover l'ancien Astrolabe. À titre de comparaison, la chancelière allemande avait donné son accord pour un brise-glace à 1 milliard d'euros en 2021.
La défense du Traité de l'Antarctique
Signé à Washington le 1er décembre 1959 par douze pays dont les équipes scienfiques s'étaient livrées à des activités dans et autour de l'Antarctique au cours de l'année géophysique internationale (1957-1958), les Parties sont aujourd'hui au nombre de 54.
Il est considéré comme un modèle exceptionnel de succès du multilatéralisme. Ses objectifs principaux sont de s'assurer, dans l'intérêt de toute l'humanité, que l'Antarctique continuera d'être employée exclusivement à des fins pacifiques, que la liberté de recherche scientifique et la coopération à cette fin s'y poursuivront, que les résultats en découlant seront échangés et rendus librement disponibles, tandis qu'aucun acte ou activité intervenant durant la durée du Traité ne constituera une base permettant de faire valoir, de soutenir ou de contester une revendication de souveraineté territoriale dans l'Antarctique.
La stratégie s'engage à défendre le traité de l'Antarctique et à y préserver sa biodiversité en continuant de demander à la Russie et à la Chine d'adopter la création de deux aires marines protégées.