Publication du Rapport Planète Protégée 2024 lors de la COP16
Publication du Rapport Planète Protégée 2024 : une première évaluation des progrès réalisés pour la mise en œuvre de la cible 3 du Cadre mondial de la biodiversité sur les aires protégées
Dans le cadre de la 16ème réunion de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique (COP16) qui se déroule à Cali en Colombie, le Centre mondial de la surveillance pour la conservation de la nature du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (UNEP-WCMC) a publié avec l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) le Rapport Planète Protégée 2024.
Ce Rapport permet de fournir une première revue globale des progrès réalisés pour mettre en œuvre la cible 3 du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, à savoir la conservation et la gestion d’au moins 30% des terres et des mers d’ici 2030, grâce à la mise en place d’aires protégées et à d’autres mesures de conservation efficaces par zone.
Qu’est-ce qu’une aire protégée et conservée ?
Le rapport nous rappelle qu’il existe une grande diversité d’aires protégées, qui peuvent prendre différentes formes et être définies et nommées différemment, notamment à l’échelon national. A l’échelle globale, l’UICN définit une aire protégée comme un espace géographique clairement défini, reconnu, dédié et géré, par des moyens légaux ou d’autres moyens efficaces, afin d’assurer la conservation à long terme de la nature avec les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui y sont associés (UICN, 2008).
Les aires protégées constituent le principal pilier des stratégies de conservation de la biodiversité et sont officiellement reconnues par les gouvernements en tant qu’outil principal de conservation par zone. Cependant, d’autres zones peuvent apporter une contribution importante à la conservation lorsqu’elles sont gérées efficacement, c’est pourquoi les Parties à la Convention sur la diversité biologique ont introduit un nouveau terme en 2010 pour faire référence aux « autres mesures de conservation efficaces par zone » (AMCEZ).
Chaque chapitre du Rapport Planète Protégée 2024 couvre un élément spécifique de la cible 3 et décrit les progrès réalisés au niveau mondial par rapport à cet élément, sur la base des indicateurs inclus dans le Cadre de suivi du Cadre mondial. Les chapitres portent sur :
- La couverture des aires protégées
- Les aires d’importance pour la biodiversité et les fonctions et services écosystémiques
- Les aires écologiquement représentatives
- Les systèmes bien connectés
- La conservation et gestion efficaces
- La gouvernance équitable
- Les territoires autochtones et traditionnels
- L’intégration dans des systèmes plus vastes et l’utilisation durable
Quelle couverture ?
L’indicateur principal pour suivre la cible 3 correspond à la couverture des aires protégées et AMCEZ qui se rapporte à l’élément quantitatif de la cible 3 « au moins 30% » de couverture.
D’après les données officielles, la couverture mondiale des aires protégées et conservées a atteint 17,6% des zones terrestres et eaux intérieures et 8,4% des zones marines et côtières.
A l’échelle mondiale, les réseaux d’aires protégées s’étendent. Depuis 2020, 629 000km² supplémentaires de zones terrestres et d’eaux intérieures et 1.77 millions de km² de zones marines et côtières ont été officiellement protégés.
Des efforts et progrès ont aussi été réalisés à l’échelle nationale : 51 pays et territoires ont déjà des réseaux d’aires protégées et conservées dont la couverture dépasse 30% sur terre et 31 pays dont la couverture dépasse 30% en mer.
Bien que des progrès ont été accomplis dans l’augmentation de la couverture des aires protégées, le rapport souligne que les progrès doivent s’accélérer considérablement pour atteindre la cible 3 d’ici 2030 (+16,7 millions de km² pour les zones terrestres et 78,3 millions de km² pour les zones marines et côtières sont nécessaires).
De plus, d'après le document, la couverture est inégalement répartie entre les aires marines protégées sous juridiction nationale et les aires marines protégées dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale qui ne sont qu’au nombre de 10, alors même que la haute mer couvre 61% des océans. L’Accord BBNJ pourrait offrir l’occasion de remédier à cette situation en incitant à la création et à l’extension du réseau d’aires marines protégées en haute mer.
Les aires d’importance particulière pour la biodiversité et les fonctions et services écosystémiques
Plus des deux tiers des zones clés pour la biodiversité (KBA) sont désormais partiellement ou totalement couvertes par des aires protégées et conservées. Toutefois, le tiers restant (32 %) des zones clés pour la biodiversité se trouve entièrement en dehors de ces zones et ne bénéficie pas d'une protection formelle. Le rapport encourage donc à redoubler d'efforts pour mieux conserver les zones particulièrement importantes pour la biodiversité.
De plus, sur la base d'une évaluation de cinq services écosystémiques mondiaux, la majorité des zones importantes pour les fonctions et services écosystémiques (également connues sous le nom d'actifs naturels critiques) ne sont pas protégées.
Les aires écologiquement représentatives
Le rapport rappelle qu’il est nécessaire d’établir des systèmes d’aires protégées et conservées qui couvrent des zones représentatives des espèces, des écosystèmes et des régions biogéographiques du monde afin de protéger la diversité de vie sur la Terre. Chaque région biogéographique diffère par la biodiversité qu’elle abrite et les avantages qui profitent aux êtres humains.
Pour évaluer cet élément de la cible 3, la couverture des régions biogéographiques par des aires protégées et conservées est proposée comme désagrégation de l'indicateur principal. Ces régions sont évaluées au niveau de l’écorégion et au niveau du biome. Un quart des écorégions bénéficient déjà d'une protection supérieure à 30 %. Cependant, de nombreuses écorégions ne sont pas bien représentées dans le réseau des aires protégées. Des efforts sont nécessaires pour garantir la représentativité écologique des systèmes des aires protégées et conservées.
Quelle connectivité entre les aires ?
Le système mondial des aires protégées n’est pas encore bien connecté. Selon le rapport, seules 8,52% des terres sont à la fois protégées et connectées. La réalisation d'une couverture de 30 % d'ici 2030 ne suffira pas à atteindre la cible 3. Les efforts visant à étendre la protection doivent également porter sur les autres éléments de la cible pour garantir la qualité des systèmes d’aires protégées comme la connectivité. En effet, lorsqu’elles sont reliées entre elles dans des systèmes bien connectés, les aires protégées peuvent faciliter le déplacement et la migration des espèces, tout en maintenant les fonctions globales de l’écosystème, ce qui est de plus en plus important face au changement climatique.
Conservation et gestion efficaces
L’impact des aires protégées et conservées dépend non seulement de leur emplacement mais aussi de la manière dont elles sont conservées et gérées. C’est pourquoi la cible 3 souligne également la nécessité de veiller à ce que les aires protégées soient efficacement conservées et gérées. L’efficacité dépend de la capacité des aires protégées à conserver les valeurs de la biodiversité pour lesquelles elles ont été reconnues. Elle est difficile à évaluer à la fois au niveau du site, du système et au niveau global. Moins de 5% des terres sont couvertes par des zones protégées dont l’efficacité de la gestion a été évaluée. Ce chiffre est de 1,3% pour le domaine marin.
Gouvernance équitable et territoires autochtones et traditionnels
L’expansion des aires doit aussi inclure le respect des engagements fixés par la cible en matière de droits humains, de gouvernance équitable et de reconnaissance des territoires autochtones et traditionnels.
Il existe peu d’éléments indiquant que les aires protégées et conservées sont gouvernées de manière équitable et très peu d’évaluation ont été réalisées dans ce sens. La reconnaissance de la gouvernance non étatique reste limitée, avec seulement 3,95 % de la zone couverte par les aires protégées et conservées déclarées comme étant gouvernées par les peuples autochtones et les communautés locales, et 11,84 % comme étant sous gouvernance partagée.
Conclusions du Rapport
En conclusion, en adoptant la cible 3 et, plus largement, le cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal, les parties à la CDB ont reconnu qu'une action ambitieuse et urgente s'imposait.
Le Rapport Planète Protégée 2024 montre que des progrès ont été accomplis sur chaque élément de la cible 3 qui pouvait être mesuré de manière significative. Les indicateurs de couverture, de connectivité, de représentation écologique et de couverture des aires importantes montrent tous des améliorations depuis 2020.
Néanmoins, le rapport souligne la nécessité d’accélérer ces progrès pour atteindre les objectifs de la cible 3, le taux de progression actuel n’étant pas suffisant pour atteindre une couverture de 30% des terres et mers d’ici à 2030, ni pour atteindre les autres objectifs.
Selon le rapport, il apparait comme nécessaire d’accorder une reconnaissance et un soutien appropriés aux territoires autochtones et traditionnels, de fournir un financement international aux pays en développement et de mettre à disposition des données au niveau mondial pour pallier les lacunes en matière d’évaluation.
Pour lire le rapport complet, cliquez sur ce lien.