Contexte
Avant la Seconde Guerre Mondiale, la mer était essentiellement divisée en deux zones légales : la mer territoriale considérée comme faisant partie du territoire d’une nation et la haute mer, revendiquée par aucune nation et donc libre et ouverte à tous.
Puis, l’Organisation des Nations Unies procéda à la codification de la mer lors de la Conférence de Genève en 1958, donnant naissance à quatre conventions adoptées sur la mer territoriale, la haute mer, le plateau continental et la pêche.
Face à l'évolution du paysage onusien, les pays en développement appuyèrent un mécanisme désignant le fond marin de plus de la moitié de la planète comme appartenant à l'humanité entière et reconnu comme patrimoine commun de l'humanité.
Ce nouveau principe fut entériné dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ouverte à la signature le 10 décembre 1982 à Montego Bay (Jamaïque) et qui en reçu le nombre record de 119. Acclamée comme l'un des instruments juridiques les plus importants du XXème siècle, elle met notamment en place une typologie des espaces maritimes en divisant l'océan en différentes zones juridiques, différenciant celles sous la juridiction des Etats et celles au-delà des juridictions nationales.
La haute mer, située au-delà des juridictions nationales, englobe la colonne d'eau au-delà de la zone économique exclusive des Etats côtiers et est régie de longue date par le principe de liberté de la mer. En haute mer, les Etats jouissent de la liberté de navigation, de survol, de poser des câbles ou des pipelines sous-marins, de construire des îles artificielles et autres installationss autorisées par le droit international, de pêche et de recherche scientifique.
Enjeux
Or, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer n'aborde pas de manière exhaustive la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité en haute mer. La zone au-delà des juridictions nationales est d’une grande richesse, tant en ressources qu’en services écosystémiques vitaux. Elle permet notamment la régulation du climat, la séquestration du carbone, la purification de l’air et offre un habitat à de nombreuses espèces. Ces zones contiennent des caractéristiques océanographiques et biologiques uniques, tels que les monts sous-marins et les cheminées hydrothermales. Ces écosystèmes endémiques entretiennent une riche vie sous-marine malgré les conditions abiotiques extrêmes de pressions importantes, basses températures, une obscurité totale et la rareté des nutriments.
Elles fournissent des voies de migration et de vastes habitats pour de nombreuses espèces, jouant divers rôles importants dans les écosystèmes océaniques et les processus climatiques au sens large.
Les données scientifiques sur le nombre d’espèces de faune et de flore, les différents écosystèmes et la diversité des gènes présents dans les profondeurs des océans sont aujourd’hui encore très limitées.
Le processus dit de "BBNJ"
L’Assemblée générale des Nations Unies, reconnue compétente pour aborder les lacunes de la Convention sur le droit de la mer apparues avec le temps, réuni pour la première fois autour de la table des négociations 194 pays – Parties ou non à la Convention – pour parvenir à un accord sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine au-delà de la juridiction nationale (Biodiversity Beyond National Jurisdiction, en anglais).
Processus entamé depuis 2004, de nombreux pays se sont positionnés en faveur de la négociation d’un nouvel accord, aboutissant en 2011 à l’adoption d’un « paquet » annonçant les quatre thèmes qui seront négociés au sein du futur instrument :
- les ressources génétiques marines, y compris les questions de partage des bénéfices ;
- les outils de gestion par zone, dont les aires marines protégées ;
- les études d’impact environnemental ;
- le renforcement de capacités et le transfert de technologie marine.
La résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée en 2017, convoqua une conférence intergouvernementale pour élaborer le texte d’un instrument international juridiquement contraignant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones au-delà de la juridiction nationale, en vue de développer l’instrument dès que possible.
La première conférence intergouvernementale s'est réunit du 4 au 17 septembre 2018 au siège des Nations Unies à New York, suivie par la deuxième conférence se déroulant du 25 mars au 5 avril 2019 et la troisième du 19 au 30 août 2019. La quatrième conférence devait avoir lieu au printemps 2020 mais a été reportée en raison de la crise sanitaire mondiale. Elle s'est tenue dans des conditions d'accès restreinte au siège des Nations Unies du 7 au 18 mars 2022. La cinquième conférence a eu lieu du 15 au 26 août 2022 avec pour objectif de clore les travaux, objectif qui n'a pas été tenu à l'issu des deux semaines de négociations. La reprise de la cinquième conférence s'est déroulée du lundi 20 février 2023 au 4 mars 2023.
Les négociations internationales sur le processus BBNJ (Biodiversity Beyond National Jurisdiction) ont abouti le 4 mars 2023 à un Traité international de protection de la haute mer.
A présent que les négociations sont terminées, l’accord entrera en vigueur dès qu’il aura été ratifié par 60 Etats. Le Projet d’accord a été publié par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 5 mars 2023 même si le texte définitif sera formellement adopté lors d’une réunion ultérieure des délégations.