Bilan de la COP14 CMS
La 14ème réunion de la Conférence des Parties à la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS), s’est déroulée du 12 au 17 février 2024 à Samarcande en Ouzbékistan, sous le slogan « La Nature ne connaît pas de frontières ».
Le Segment de haut niveau du 11 février 2024
La veille de la cérémonie d’ouverture, s’est tenu un Segment de haut niveau en présence d’un certain nombre de personnalités de haut rang. Les déclarations ont porté sur la coopération transfrontière et régionale pour la CMS en Asie Centrale (session 1), les liens multilatéraux avec la coopération en Asie centrale (session 2) ainsi que sur les expériences d’autres régions et entités multilatérales sur la coopération transfrontalière et internationale pour la CMS (session 3).
Au cours de cette dernière session ouverte aux expériences d’autres régions, Madame l’Ambassadrice de France en Ouzbékistan, Aurélia Bouchez, s’est exprimée sur l’action française en matière de préservation de la biodiversité, notamment dans le cadre de la CMS. Elle a rappelé que l'année 2024 était marquée par la tenue des trois COP des Conventions de Rio sur le climat, la biodiversité et la désertification, et que la Convention sur les espèces migratrices trouvait toute sa place dans cette séquence riche pour le multilatéralisme environnemental. Elle a appelé à l'universalisation de la CMS en invitant l'ensemble des Etats à y adhérer. Madame l'Ambassadrice a tenu à rappeler que la France compte parmi les principaux contributeurs à la CMS et a annoncé le soutien de l'Office français de la biodiversité à hauteur de 200 000 euros aux deux initiatives du Secrétariat de la Convention portant sur la connectivité écologique et le prélèvement illégal d'espèces migratrices. Plus globalement, la France va doubler ses financements bilatéraux pour la biodiversité pour atteindre 1 milliard d'euros d'ici 2025.
Déroulement de la COP14 CMS
Le 12 février 2024 s’est tenue la cérémonie d’ouverture de la COP, inaugurée par le Premier Ministre d’Ouzbékistan, M. Abdulla Aripov qui a lu un discours du Président de la République d’Ouzbékistan, M. Shavkat Mirziyoyev.
A l’ouverture du Comité plénier ou CoW, Committee of the Whole, les Parties ont convenu de la constitution de 5 groupes de travail sur le budget, les questions institutionnelles et transversales, les espèces aquatiques avec un sous-groupe sur l’exploitation minière des fonds marins, les espèces aviaires et les espèces terrestres.
Le premier jour de la COP a été marqué par la publication du premier rapport sur l’état des espèces migratrices dans le monde qui résume les situations et tendances actuelles de l’état de conservation des espèces migratrices, identifie les principales pressions sur ces espèces et recense les efforts pour les rétablir. Le rapport indique que les niveaux de risque d’extinction augmentent dans l’ensemble des espèces inscrites à la CMS et recense 399 espèces migratrices mondialement menacées ou quasi menacées qui ne sont pas encore inscrites aux Annexes de la CMS et qui pourraient bénéficier d’une protection internationale. Selon le document, les deux plus grandes menaces pesant sur toutes les espèces migratrices sont la surexploitation et la perte d’habitat due à l’activité humaine.
Les discussions entre Parties à la CMS, organisations non gouvernementales, experts scientifiques et autres parties prenantes se sont déroulées en Comité plénier ainsi qu’au sein des groupes de travail thématiques le midi et le soir. Un certain nombre de sujets comme l’exploitation minière des fonds marins, la définition du budget pour la période 2024-2026, le nouveau Plan stratégique pour les espèces migratrices ou encore des items liés aux espèces comme l’initiative sur le Jaguar ou l’impact de la pollution plastique, ont fait l’objet de longues heures de négociations pour arriver à des textes acceptables pour les Parties.
Au cours de la session plénière du 17 février 2024, la Conférence des Parties a adopté par consensus tous les projets de résolutions, de décisions, d’actions concertées et les 14 propositions d’amendements aux annexes de la CMS, avec par exemple l’inscription du Chat de Pallas à l’Annexe II, la population d’Afrique australe du Gypaète barbu à l’Annexe I ou encore l’inscription du Requin-taureau aux Annexes I et II de la Convention.
La COP14 CMS a également formulé de nombreuses recommandations à l’attention des Parties, du Conseil scientifique ou encore du Secrétariat sur les enjeux de conservation concernant les espèces terrestres, aquatiques, aviaires et leurs habitats, ainsi que sur des problématiques institutionnelles et transversales.
Parmi les adoptions marquantes, il faut noter la résolution sur l’exploitation minière des fonds marins qui prie instamment les Parties à la CMS à ne pas s’engager dans l’activité d’exploitation minière des grands fonds marins, ni de la soutenir jusqu’à ce que des informations scientifiques suffisantes et fiables aient été obtenues.
La COP14 a donné des résultats significatifs également avec le lancement du nouveau plan stratégique de Samarcande pour les espèces migratrices 2024-2032 (SPMS) qui prévoit 6 objectifs avec des cibles correspondantes. D’ici 2032, l’état de conservation des espèces migratrices est amélioré, les habitats et les aires de répartition de ces dernières sont maintenus et restaurés, ce qui favorise leur connectivité, et les menaces pesant sur ces espèces sont éliminées ou réduites de manière significative. Pour cela, la mise en œuvre de la CMS doit s’appuyer sur des connaissances, des capacités et des ressources adéquates, être soutenue par une gouvernance efficace. Le profil de la CMS et les synergies avec d’autres cadres internationaux pertinents doivent également être renforcés.
En effet, l'un des enjeux de la COP14, première grande conférence sur la biodiversité suite à l'adoption du Cadre mondial de Kunming-Montréal, portait aussi sur le développement et le renforcement des synergies avec les autres conventions internationales et notamment la Convention sur la diversité biologique.
Un projet de résolution et de décision sur la participation de la CMS aux processus de la Convention sur la diversité biologique, y compris au Cadre mondial de la biodiversité a été adopté lors de la Conférence des Parties. Ce document permet de reconnaître et de souligner les contributions mutuelles des deux conventions à la réalisation de leurs objectifs, tout en invitant les Parties et le Secrétariat à approfondir cette collaboration, notamment dans le cadre de la révision et de la mise à jour des Stratégies et plans d'action nationaux pour la biodiversité.
La délégation française au sein de la COP14 CMS
La France a joué un rôle important dans le cadre cette conférence multilatérale en tenant des positions ambitieuses au sein des réunions de coordination avec l’Union européenne (UE), mais également en défendant l’interdiction de l’exploitation des fonds marins, en son nom propre – l’UE n’ayant pas la compétence sur ce sujet.
En parallèle, la France a organisé 2 side-events sur les enjeux et opportunités de la conservation des mammifères marins dans le cadre du nouvel accord BBNJ (OFB) ainsi que sur les bonnes pratiques, expériences et collaborations pour atténuer la capture accidentelle des tortues marines dans les pêcheries (OFB, MTECT, MNHN). L’Office français de la biodiversité a également co-organisé un troisième side-event sur la coopération à l’échelle de l’aire de répartition pour la protection des jaguars et de la biodiversité.
La COP14 sur les espèces migratrices a rassemblé plus de 2000 délégués de plus de 130 pays. La France se réjouit des résultats de cette Conférence multilatérale qui permet de donner un nouveau cadre d’action pour la Convention et qui approfondit les collaborations à tous les niveaux et les coopérations transfrontalières permettant la sauvegarde la biodiversité de notre planète, au-delà des frontières.
Cependant, toute nouvelle inscription d’espèces aux Annexes de la Convention est ambiguë car elle témoigne d’une volonté de protéger davantage d’espèces tout en illustrant un aveu d’échec quant aux objectifs fixés par la Convention sur la conservation des espèces migratrices. En effet, il faudrait davantage se féliciter de la suppression de certaines espèces des Annexes de la CMS plutôt que des ajouts de nouvelles espèces aux Annexes ou que des déplacements d’espèces de l’Annexe II à l’Annexe I.