Une première étude synthétisant les coûts économiques des espèces exotiques envahissantes
Des chercheurs du CNRS ont publié mercredi 31 mars dans la revue Nature la première synthèse des coûts économiques engendrés par les espèces exotiques envahissantes dans le monde. Il s'agit des espèces introduites par l'homme dans un nouveau milieu, volontairement ou non, qui deviennent nuisibles et menacent leur nouvel habitat.
Après cinq ans de travaux, la base de données "InvaCost", portée par la Fondation Paris-Saclay Université, a permis la première compilation mondiale des coûts économiques des espèces exotiques envahissantes, estimés à 1 300 milliards de dollars depuis 1970. Ce chiffre pourrait toutefois être quatre fois plus important.
Ces coûts représentent principalement les pertes et les dégats engendrés par ces espèces. Les coûts de santé ont été pris en compte, ainsi que les impacts sur les pertes agricoles (apiculture, horticulture, viticulture, pêcheries, aquaculture), le bien-être humain, les services en foresterie ainsi que les pertes sur les infrastructures (canalisations, équipements électriques, bâtiments) et sur le tourisme.
Les espèces répertoriées dans la base de données, et pour lesquelles les coûts ont été monétisés, représentent moins de 10% des espèces exotiques envahissantes qui sont connues à l'heure actuelle. Le moustique tigre, la fourmi de feu, la moule zébrée ainsi que le rat noir cumulent chacun des dizaines de milliards de dollars dus aux ravages engendrés dans les pays qu'ils envahissent, selon les chercheurs. À titre d'exemple, les impacts économiques de la moule zébrée en Amérique du Nord a causé plus de neuf milliards de dollars de dommages dans les grands lacs et les lapins, envahissant l'Australie, ont causé plusieurs milliards de dollars en pertes agricoles. Les milieux aquatiques sont également lourdement touchés, certaines espèces de plantes comme la jacinthe d'eau bouchent les passages de navigation, causant des coûts importants, notamment en Afrique du Sud.
Sur le plan sanitaire, les piqures d'insectes comme les fourmis de feu ou les moustiques tigres causent des centaines d'hospitalisation par an et des centaines de morts à travers le monde ainsi que la transmission de virus comme la dingue, la fièvre jaune, le chikungunya ou zika.
Les auteurs de l'étude dénoncent une somme "ahurissante", qui atteint pour la seule année 2017 jusqu'à 162,7 milliards de dollars, "dépassant largement par exemple le produit intérieur brut (PIB) de 50 des 54 pays africains" ou vingt fois supérieur aux budgets combinés de l'Organisation mondiale de la santé et du Secrétariat de l'ONU la même année.
L'étude note aussi que ces coûts sont en croissance constante depuis 1970, avec un coût annuel moyen qui double tous les six ans et un coût qui triple quasiment toutes les décennies.
Face à cela, les montants liés à la prévention, la surveillance et la lutte contre la propagation de ces espèces restent marginaux en comparaison des coûts des dégats engendrés. Selon les auteurs de l'étude, il faut réussir à prévenir efficacement ces invasions biologiques, c'est-à-dire empêcher l'introduction et la prolifération de ces espèces exotiques envahissantes, pour réduire de manière substantielle tous ces coûts. Une fois que ces espèces sont durablement installées, il est plus compliqué d'agir de manière suffisamment efficace.
Un article est en préparation sur les coûts économiques engendrés par ces espèces en France.